Emile Pereire et Arcachon : hasard ou nécessité ?

L'intérêt que va porter à Arcachon Emile Pereire, génial financier et personnage considérable de la France du second Empire, ne doit rien au hasard et tout à la nécessité.
Né à Bordeaux en 1800, Emile Pereire est un familier de l'empereur Napoléon III qui s'est impliqué personnellement dans la mise en valeur des Landes en achetant le domaine de Solférino.
Entre 1852 et 1857, Emile Pererie va seul ou avec son frère Isaac, acheté en tout quelque 11.000 hectares de landes sur les communes de Lanton, Audenge, Biganos, Mios et du Teich. En 1852, il a repris la voie de chemin de fer Bordeaux La Teste, au bord de la faillite. Tout le conduit à s'intéresser à cette commune naissante qui en 1857 a pris son indépendance de la Teste par décret impérial.
Il ne lui manque qu'une introduction, un "entremetteur": ce sera l'un des pères fondateurs d'Arcachon, l'abbé Xavier Mouls, premier curé de la ville, dont vous pourrez lire la sulfureuse et très partiale biographie sur ce site.
Le curé et le financier vont fort bien s'entendre: le premier fait visiter au second la forêt d'Arcachon et Emile Pereire, asthmatique, ressent rapidement les bienfaits du climat. Pereire décide donc de se constiturer un domaine et d'investir dans cette ville nouvelle : il va y créer la Ville d'Hiver, "sanatorium en plein air", et le plus souvent, l'abbé Mouls lui servira d'intermédiaire, tant il est vrai qu'en ces temps là le seul nom de Pereire faisait grimper les prix...

En financier avisé, Pereire veut assurer la rentabilté maximum à son investissement et le 10 octobre 1859 il reçoit une première fois l'empereur Napoléon III, accompagné de sa femme Eugénie de Montijo et du prince impérial à Arcachon. Il veut "lancer" la station : las, la météo comme on dit aujourd'hui, n'est pas de la partie; la maréchale de Saint Arnaud veuve d'un des chefs de guerre de Napoléon reçoit aussi l'empereur dans sa villa l'Alma. Voici le récit qu'elle fit de cette journée:

"En face de mon chalet, il y avait un arc de triomphe avec une brillante étoile argentée et la devise d'Arcachon qui couronnait le sommet. Malheureusement, le ciel n'était pas avec nous malgré les nombreux chapelets que nous avions récités pour la cessation de la pluie et du vent. Aussi, adieu la promenade sur un aviso pour aller voir les passes. Adieu la promenade à cheval que nous devions faire dans la forêt.
"La seule partie du programme exécutée à la lettre fût le pélerinage à Notre Dame d'Arcachon. L'abbé Mouls reçût leurs Majestés à l'entrée de la nouvelle église; l'Empereur accrocha sur sa soutane la croix de la Légion d'honneur. On revint ensuite chez moi où j'offris une collation sur la terrasse dominant le bassin
"L'escalier conduisant à la mer était recouvert de la tente sous laquelle mon mari campa le jour de la bataille de l'Alma.
" Ah! si vous aviez vu l'Impératrice. Elle était adorable. Elle portait ce jour-là une robe et veste de popeline blanche, garnie de brandebourgs jaunes et boutons vert émeraude. Elle avait un chapeau de tulle blanc et touffes d'herbes pailletées de rosées. Oui, oui, elle était adorable"

L'avenir d'Arcachon 26 février 1922