Si l'on en croit Françoise et François Cottin, à qui rien de l'histoire d'Arcachon n'est étranger, ses exploits n'eurent que peu de retentissements:
                
                  Dornon, originaire de Salles, était boulanger à Arcachon. A la fin des années 1880, il présenta un groupe   folklorique sur échasses, dans le parc du Casino   Mauresque.
                    Le spectacle commençait par des    épreuves   sportives et des courses, se poursuivait par des danses, partie   au cours   de laquelle était exécuté "Lou quadrillhs dous tchancats " (le quadrille des   échassiers). 
                    Dornon avait inventé une nouvelle spécialité   arcachonnaise, la danse sur   échasses.
                Si   flatteur que fût ce premier succès, il ne suffit pas à satisfaire les ambitions   du boulanger—échassier, qui résolut de frapper un   grand   coup à l'occasion de l'exposition universelle de 1889: l'ascension de la Tour Eiffel sur   ses échasses. Cet exploit insolite, s'il lui valut une   certaine   notoriété , ne lui apporta pas la fortune, et Dornon décida de se lancer dans une   nouvelle aventure. 
                Une exposition française ouvrait ses   portes à   Moscou en 1891: Dornon entreprit de s'y rendre sur ses échasses en partant de   Paris. La traversée de l'Europe se déroula dans des   conditions souvent difficiles,.mais le 10 mai 1891,   Dornon   parvint enfin à Moscou. Malgrè ce remarquable exploit sportif : Paris Moscou sur   échasses,   en moins de deux mois,  le retour de Dornon à Arcachon passa presque inaperçu.   Il reprit alors son métier de boulanger, sans cesser de se   consacrer   à la cause de l'échasse, et jusqu'à sa mort en 1900, à l'âge de 42 ans, il   participa à de nombreuses courses locales. 
                
                En 1892, Sylvain Dornon fait paraître un opuscule racontant son voyage vers Moscou, dont voici quelques extraits: 
                
                 (...) je partis à Paris afin de visiter l'Exposition, ce que je fis sur mes échasses. En effet, tous les Parisiens et les étrangers ont pu me rencontrer du 9 au 17 septembre. C'est également pendant celte même semaine que je fis, toujours sur mes échasses, l'ascension de la tour Eiffel jusqu'à la deuxième plate-forme, fait qui fut enregistré à l'époque par toute la presse.
                    
                    (...)
                    C'est vers la fin de cette année (1890) que l'on commença à signaler dans la presse les voyages excentriques accomplis par des Russes venant en France. Enfin quand, vers la fin de février 1891, un officier russe, le lieutenant Winter, vint à pied à Paris, où il fut l'objet d'une réception enthousiaste, je résolus de lui donner la réplique en faisant mieux encore : je partirais de Paris et irais jusqu'à Moscou, tandis que Winter était parti de la frontière.
                    
                    Les préparatifs ne me prirent pas longtemps. Je fabriquai moi-même deux paires d’échasses   en bois blanc, une qui mesurait 1 m 10 et pesait 3 kilo. 200 (la paire), et sur laquelle j'accomplis tout mon voyage, et une autre paire qui mesurait l m 80, que j'expédiai à Moscou.
                    
                    J'expédiai également deux malles contenant du linge et des vêtements de rechange, l'une à Berlin, l'autre à Moscou.
                    
                    Je me procurai quelques bonnes cartes que je plaçai, avec un peu de linge et un revolver chargé, dans une petite sacoche en cuir jaune destinée à être portée en bandoulière.
                    
                  Le 10 mars tout fut prêt. Je m'étais procuré pour le voyage un costume solide que, pour y ajouter une note pittoresque, je complétai par la peau de bique et le béret landais.
                
Le texte de Dornon, qu'il n'a sûrement pas écrit lui-même, est savoureux. Pour le lire en intégralité, cliquez sur l'icone (scan Aimé Nouailhas) 
				
				
			
            
             Son départ de Paris pour Moscou lui valut un "papier" dans l'Illustration du 21 mars 1891, accompagné d'une gravure. Lisez le papier: c'est un condensé de perfidie et de mépris, comme seuls peuvent en écrire les cuistres parisiens quand ils s'intéressent au "bon peuple" de la province, pour ne pas dire au bon sauvage. 
      
             
          
       
            
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      © L'Illustration 
      
      Le boulanger d'Arcachon n'est pas le premier échassier à se donner en spectacle; presque  40 ans avant son voyage à Moscou et alors que la station balnéaire n'a pas encore été créée, la municipalité de La Teste de Buch organisait sur la plage d'Arcachon une course d'échasses le 9 septembre 1854 au bénéfice des riches touristes qui commencent à venir profiter de ce splendide paysage.
      
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