Un sultan visite Arcachon
Arcachon fut en fête et en grande fête jeudi 5 août et voici pourquoi :
S. M. le Sultan du Maroc n'avait pas voulu regagner son pays sans voir la perle de la Côte d'Argent.
De Bordeaux, il n'y avait qu'un saut de puce.
Grâce à une rapide automobile - une "Oakland" pilotée par M. Ricardo -, il l'accomplit en moins d'une heure.
A 10 h 25, par un temps délicieux, il débarquait place Thiers où il était reçu sans façon par M. Bon, maire, M. Veyrier-Montagnères, ancien maire et la plupart de nos conseillers municipaux qu'assistaient M. le colonel Félix-marie, commandant le camp d'instruction de Cazaux et une délégation des officiers et sous-officiers de ce camp.
Descendaient de la même auto, son ministre plénipotentiaire, chef du protocole et interprète : S. E. Si Kaddour Ben Ghabit, son grand chambellan : Si Thami Abadon et M. Arnaud, préfet de la Gironde.
Les autres véhicules contenaient : M. le général Mougin, chef du cabinet de M. Steeg, résident général au Maroc, le grand vizir Hadj Mohammed, le ministre des domaines El Hadj Omar Tazi, le ministre des Habous (biens religieux), le prince héritier, deux autres fils du Sultan et trois fils de son frère, Moulay Hafid, le grand fils du chambellan, Si Mohammed Mamerc, précepteur des enfants impériaux, M. le Commandant André, représentant le Ministre de la guerre, M. Idoux, secrétaire général de la Préfecture, MM. Mangui, chef, et Lafon, chef adjoint du cabinet du préfet, M. Lafont, commandant de la Marine à Bordeaux etc..
M. le Maire s'avance, tandis que son escorte le suit. Moulay Youssef lui tend la main et l'écoute imperturbablement lui souhaiter une bienvenue à laquelle il ne comprend rien ne parlant pas le français. Il répond par quelques mots dans sa langue natale, sans signification pour nous.
On s'embarque presque aussitôt sur le "Cap Ferret", le magnifique et confortable yacht à moteur de la Société anonyme de ce cap. Le bateau, conduit par le patron Cristal et sur lequel se trouve M. Bélisaire Daney, administrateur de la dite Société, se met en marche très rapidement ; il se dirige vers la bouée n° 8, entre le phare et le Moulleau. Là, il décrit une courbe gracieuse et ramène à la place Thiers le sultan - qu'on avait confortablement installé à l'arrière où tout le temps du trajet il parut songeur - et les divers personnages de l'escorte.
La jétée Thiers était noire de monde pour assister au débarquement comme elle l'avait été à l'arrivée. Quatorze autos attendaient sur le boulevard-promenade. Chacun y prit sa place ; elles conduisirent les voyageurs à la Source des Abatilles où Moulay Youssef, grand buveur d'eau avait hâte d'en aller goûter un verre à l'émission même.
On revint par la Ville d'hiver. Après un court repos au grand-Hôtel on s'assembla pour déjeuner autour d'une table de la salle des banquets où un déjeuner maigre et en tous points conforme aux prescriptions du Coran fut servi.
Aucun discours, mais seulement des bavardages agréables entre assistants.
Après un court repos sur la terrasse où l'on prit le café, le Sultan et sa suite repartirent vers 15 heures par la même route et les mêmes moyens qu'ils avaient employés pour venir.
Les historiens d'Arcachon pourront enregistrer dans les annales de la ville une viste de souverain de plus.
Albert de RICAUDY
Le Sultan du Maroc à l'Etablissement thermal des Abatilles
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Reçu ce matin à 10 h. 30, place Thiers, par la Municipalité d'Arcachon, Sa Majesté Moulay-Youssef, Sultan du Maroc, après une courte et délicieuse promenade en bateau sur le Bassin d'Arcachon, a bien voulu honorer de sa présence le nouvel établissement thermal des ABATILLES.
A 11 h. 30 une longue file d'automobiles dans lesquelles avaient pris place S. M. Moulay-Youssef, le prince héritier et les princes de la famille impériale, les hauts dignitaires de la Cour, M. Bon le maire distingué d'Arcachon, le préfet de la Gironde, le général Mougin et tous les personnages officiels, s'arrêtait devant le parc de l'Etablissement Thermal pavoisé aux couleurs nationales.
Venu à l'avance, M. Maydieu, président du Conseil d'Administration, assisté de M. de Saint-Sauveur, Administrateur-directeur, remercie le Sultan de l'honneur qu'il a fait à la Société Thermale des ABATILLES en venant visiter la Source Ste-Anne qui, bien que d'une découverte récente, n'est pas pour cela une inconnue au Maroc. M. Maydieu rappelle au Sultan comment, voici à peine quelques semaines ,il a déjà eu l'occasion de recevoir aux ABATILLES un groupe de notables et de commerçants Marocains venus pour visiter l'Etablissement hydrothérapique.
S. M. Moulay-Youssef se rend ensuite à la buvette où il déguste avec une évidente satisfaction l'eau de la Source Ste-Anne diffusée déjà dans les grandes villes du Maroc.
Sous les rayons d'un soleil splendide, nos hôtes, aux djellabas de fine laine Blanche et aux effets rehaussés de broderies, se pressent autour des mosaïques du pavillon-buvette, et l'effet en est des plus gracieux.
Le Sultan et sa suite visitent encore le parc et ses vastes ombrages ; au griffon de la source jaillissante, S. M. Maulay-Youssef, vivement intéressée par le débit considérable de 70 000 litres à l'heure, s'arrête longuement.
Pressée de rentrer à Bordeaux, S. M. est remontée en voiture accompagnée jusqu'à la sortie par les membres de la Direction de l'Etablissement Thermal qui l'ont remerciée de sa visite.
Il y a quinze jours que l'Avenir a annoncé que le Sultan du Maroc voulait visiter Arcachon.
Son prédécesseur sur le trône Abdel-Aziz quand il était notre hôte, avait écrit à un ancien courtisan : "Je retrouve à Arcachon les plus beaux paysages du Maroc."
Le Sultan actuel qui avait lu la lettre, manifesta le désir de visiter ce pays au charme si oriental qui faisait dire à Pierre Loti quand il venait visiter son frère Yves dans sa cabane du Cap-Ferret : "Ici je revis toutes mes plus belles visions d'orient."
Avenir d'Arcachon N° 3829 du 5/9/1926
Le Sultan Moulay Youssef qui fut notre hôte d'un jour est homme de goût. Il l'a prouvé une fois de plus en s'arrêtant devant les délicates fantaisies exposées au magasin "Le Goût Français", près du Casino de la Plage. Comme on lui montrait des poteries du Japon, de Chine, de Hollande, des vases de Ciboure, des grès flammés, des bibelots de Saxe et des cristalleries de Bohême, il prononça ces mots très justes : "Le goût français est éclectique, il sait choisir partout ce qui est beau."